En suivant les avatars d’Albrecht von Wallenstein, le roman dresse un portrait total de la Guerre de Trente ans (1618-1648), ce moment sanglant de l’histoire européenne dans lequel Döblin projette sa propre expérience de la boucherie alors contemporaine de la Première Guerre mondiale. La fiction prend l’histoire en cours de route, après la victoire des Impériaux sur la Bohême, soit après le début de la guerre, et la laisse aussi au bord de la route : elle s’achève avec la mort de Ferdinand de Habsbourg (1637).
Pour Döblin, Wallenstein n’est pas (comme chez Schiller ou chez Golo Mann) cette figure prestigieuse de général et du grand homme d’État mais un banquier atteint de la goutte. Sans doute a-t-il bien livré quelques batailles, mais, comme le remarque Günter Grass dans À propos de mon maître Döblin en 1967, il est d’abord « le premier manager moderne d’une planification militaire à long terme, le premier architecte d’un cartel financier qui, nourri par la guerre, nourrit la guerre. […] Bien avant que Krupp ne fît ses affaires à Verdun, Wallenstein investissait sa fortune dans les affaires d’armement. »

Ici la fiction romanesque est mise au service d’une vision du politique très actuelle : la guerre comme une poursuite des affaires par d’autres moyens. Bien loin du « beau style » d’un Thomas Mann (refus de la syntaxe conventionnelle, absence d’articles, ellipses, ponctuation non orthodoxe), Döblin invente un matériau langagier baroque pour saisir l’époque démesurée de la première grande guerre de l’Occident moderne. Deuxième grand roman d’Alfred Döblin (après Les Trois Bonds de Wang Lun, en 1915), Wallenstein est écrit entre 1915 et 1918, publié deux ans plus tard par Fischer Verlag : il appartient donc à la première production de l’auteur (avant Berlin Alexanderplatz, 1929), marqué par l’expressionnisme et la collaboration à la revue Der Sturm.

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