Au jour le jour

Une juste cause, pas une juste guerre

Sur la réplique des Etats-Unis aux attentats du 11 septembre 2001 Deux jugements moraux peuvent être émis, me semble-t-il, concernant la « guerre » : le 11 septembre est un crime contre l’humanité injustifiable et les bombardements de l’Afghanistan sont également un crime injustifiable.

Pourtant, des voix venant de l’ensemble du spectre politique, y compris de la gauche, ont décrit cette guerre comme « juste ». Richard Falk, longtemps défenseur de la paix, a écrit dans The Nation que c’est « la première guerre vraiment juste depuis la Seconde Guerre mondiale ». Robert Kuttner, autre partisan de longue date de la justice sociale, a déclaré dans The American Prospect que seuls des gens d’extrême gauche pouvaient penser que ce n’était pas une guerre juste.

Je dois avouer ma perplexité. Comment une guerre peut-elle être juste lorsqu’elle implique le meurtre quotidien de civils, oblige des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants à quitter leurs maisons pour échapper aux bombes et alimente les rangs de ceux qui sont suffisamment en colère contre ce pays pour devenir eux-mêmes des terroristes ?

Cette guerre représente une grave violation des droits de l’homme et produira l’effet strictement inverse de celui qu’elle recherche : elle ne mettra pas fin au terrorisme, elle le fera proliférer.

Les partisans progressistes de cette guerre ont confondu une « cause juste » avec une « guerre juste ». Il existe des causes injustes, comme la tentative des États-Unis d’établir son autorité au Viêt-nam, de dominer Panama ou Grenade, ou de renverser le gouvernement sandiniste au Nicaragua. Il existe aussi des causes justes : obliger la Corée du Nord à se retirer de la Corée du Sud, ou Saddam Hussein du Koweït ou mettre fin au terrorisme. Mais partir en guerre au nom de cette cause, avec l’inévitable destruction qui l’accompagne, n’est pas juste.

Les récits sur les effets de nos bombardements commencent à nous parvenir par bribes. Dix-huit jours à peine après leur déclenchement, le New York Times a signalé que les « forces américaines ont par erreur touché une zone résidentielle dans Kaboul ». À deux reprises, des avions américains ont bombardé des entrepôts de la Croix-Rouge. Son porte-parole a déclaré que, « maintenant, nous avons 55 000 personnes sans nourriture, sans couvertures, sans rien ». Un instituteur afghan s’est confié à un journaliste du Washington Post près de la frontière pakistanaise : « Quand les bombes sont tombées près de ma maison et que les bébés ont commencé à crier, je n’ai pas eu d’autre choix que de partir. »

Selon un reportage du New York Times, « le Pentagone a reconnu qu’un avion FA-18 de la Marine a lâché dimanche une bombe d’une tonne près de ce que les responsables désignent comme un centre pour les personnes âgées. Les Nations unies ont précisé que ce bâtiment était un hôpital militaire. Quelques heures plus tard, un avion F-14 a lâché une bombe d’une demi-tonne sur une zone résidentielle au nord-ouest de Kaboul. » Un responsable des Nations unies a déclaré à un journaliste du New York Times que, lors d’un bombardement, des bombes à fragmentation, lâchées sur la ville d’Herat, ont semé des petites « charges » meurtrières sur un rayon équivalent à une vingtaine de stades de football. Ce fait, selon le journaliste du Times, « était le dernier d’un nombre croissant de comptes rendus concernant des bombes américaines qui s’égarent et causent des pertes civiles ».

Un journaliste de l’Associated Press s’est rendu à Karam, un petit village de montagne touché par les bombes américaines et a constaté des maisons éventrées. Selon lui, « à l’hôpital de Jalalabad, quarante kilomètres à l’est, les docteurs ont soigné ce qu’ils disent être les vingt-trois victimes des bombardements à Karam, dont un enfant âgé d’à peine deux mois, emmailloté dans des bandages ensanglantés. Un autre enfant, précisent les voisins, était à l’hôpital parce que sa famille entière était morte dans le bombardement. Au moins dix-huit tombes nouvelles ont été creusées tout autour du village ».

La ville de Kandahar, pilonnée sans relâche pendant dix-sept jours, est décrite comme une ville-fantôme, avec plus de la moitié de ses 500 000 habitants fuyant les bombes. Le réseau électrique de la ville a été détruit. Il n’y a plus d’approvisionnement en eau, car les pompes électriques ne fonctionnent plus. Un paysan de soixante ans a raconté au journaliste de l’Associated Press : « Nous sommes partis parce que nous avions peur pour nos vies. Jour et nuit, nous entendons le bruit des avions qui passent et repassent, nous voyons la fumée, le feu. Je les maudis tous deux, les talibans et les Américains. »

Une correspondance du Pakistan parue dans le New York Times deux semaines après le début des raids faisait état de civils blessés traversant la frontière entre les deux pays : « Pendant la journée, toutes les demi-heures environ, on apportait quelqu’un sur un brancard. La plupart étaient des victimes de bombardements, avec des membres coupés ou broyés, criblés d’éclats. Un jeune homme, la tête et une jambe entourées de bandages ensanglantés, était pendu au dos de son père, qui marchait péniblement vers la frontière afghane. »

Quelques semaines à peine après le déclenchement des opérations, nous constatons que les bombardements ont obligé des centaines de milliers d’Afghans apeurés d’abandonner leur maison et de se jeter sur des routes dangereuses et parsemées de mines. La guerre contre le terrorisme est devenue une guerre contre des hommes, des femmes et des enfants innocents, qui ne sont en rien responsables des attentats terroristes commis sur le sol américain.

Et pourtant, il y a ceux qui disent que c’est une « guerre juste ».

Le terrorisme et la guerre ont quelque chose en commun. Ils impliquent tous deux le meurtre de personnes innocentes pour atteindre un but que les meurtriers considèrent comme souhaitable. Je perçois déjà l’objection immédiate qui s’élève contre cet argument : ils (les terroristes) tuent délibérément des innocents, tandis que nous (les acteurs de la guerre) nous visons des « objectifs militaires », les civils tués accidentellement ne sont que « dommages collatéraux ».

Est-ce vraiment un accident si les civils meurent sous les bombes ? Même si l’intention n’est pas de tuer des civils, s’il y a des victimes, puis d’autres, puis d’autres encore, peut-on appeler cela un accident ? Si leur mort durant les bombardements est inévitable, elle peut ne pas être délibérée, mais elle n’est pas un accident, et ceux qui bombardent ne peuvent être considérés comme des innocents. Ils commettent des meurtres de manière aussi certaine que les terroristes.

L’absurdité de la prétention à l’innocence en de tels cas devient évidente lorsque les pertes dues aux « dommages collatéraux » dépassent le nombre des victimes d’attentats terroristes, y compris des plus odieux. Ainsi les « dommages collatéraux » durant la guerre du Golfe ont causé davantage de morts – des centaines de milliers en y incluant les victimes de notre politique de sanctions – que les attentats terroristes tout à fait délibérés du 11 septembre. Le total des morts en Israël à la suite d’attentats terroristes s’élève à un peu plus de mille, celui des « dommages collatéraux » à la suite du bombardement de Beyrouth durant l’invasion du Liban par Israël à environ six mille.

Nous ne devons pas comparer les chiffres des victimes – un tel exercice serait répugnant – comme si une atrocité était pire qu’une autre. Aucun meurtre d’innocents, délibéré ou « accidentel », ne saurait être justifié. Mon argument est que, lorsque des enfants meurent du fait d’actes terroristes ou – de manière intentionnelle ou pas – suite à des bombardements aériens, le terrorisme et la guerre deviennent tout aussi impardonnables.

Venons-en à présent à la question des « objectifs militaires ». L’expression est tellement vague que le président Truman a pu déclarer, après l’annihilation de la population de Hiroshima par la bombe atomique : « Le monde relèvera le fait que la première bombe atomique a été lâchée sur Hiroshima, une base militaire. Et cela parce que nous avons souhaité que cette première frappe évite, autant que possible, la mort de civils. »

Voilà ce que nous entendons maintenant de la part de nos dirigeants : « Nous visons des objectifs militaires. Nous essayons d’éviter la mort de civils. Mais cela se produira, et nous le regrettons. » Quel réconfort moral peut ressentir le peuple américain à la pensée que nous ne bombardons que des « cibles militaires » ?

La réalité est que le terme de « militaires » comprend plusieurs cibles, y compris des populations civiles. Quand nos bombes détruisent de manière délibérée – comme c’était le cas en Irak –, l’infrastructure électrique rendant l’épuration de l’eau et le traitement des déchets impossibles et conduisant à des épidémies dues à la qualité défectueuse de l’eau, la mort d’enfants et de civils ne peut être qualifiée d’accidentelle.

Rappelons-nous que, pendant la guerre du Golfe, l’aviation américaine a bombardé un abri anti-aérien tuant quatre cent à cinq cent hommes, femmes et enfants qui y avaient cherché refuge. Il s’agissait, nous a-t-on dit, d’une cible militaire, abritant un centre de communications ; les journalistes qui se sont rendus aussitôt sur place n’ont rien vu de tel parmi les ruines.

Je pense que l’histoire des bombardements – personne n’a autant bombardé que cette nation – est une interminable histoire d’atrocités, toutes placidement justifiées par un langage trompeur et mortifère : « accidents », « cibles militaires » et « dommage collatéral ».

Pendant la Seconde Guerre mondiale et celle du Viêt-nam, des documents historiques montrent qu’il y a eu décision délibérée de viser des civils pour saper le moral de l’ennemi, d’où les bombardements sur Dresde, Hambourg, Tokyo, les raids de B-52 sur Hanoi ou les bombardiers survolant de paisibles villages vietnamiens. Quand d’aucuns affirment qu’il est possible de s’engager dans une « action militaire limitée » sans « usage excessif de la force », ils ignorent l’histoire des bombardements. L’élan guerrier ignore les limites.

L’équation morale en Afghanistan est claire. Les pertes civiles sont certaines. L’issue est incertaine. Personne ne sait ce que les bombardements vont régler – la capture de Ben Laden (peut-être), la fin des talibans (probable), un Afghanistan démocratique (très improbable) ou l’éradication du terrorisme (quasi impossible). Nous terrorisons la population mais pas les terroristes – ce ne sont pas des gens qui se laissent facilement terroriser. Aucune vie humaine ne devrait être sacrifiée dans cette violence folle nommée « guerre contre le terrorisme ».

Il nous faut examiner l’idée du pacifisme à la lumière de ce qui se passe maintenant. Je ne me suis jamais réclamé de ce terme car il suggère quelque chose d’absolu et je suis contre l’absolu. J’essaie de rester ouvert à des possibilités imprévisibles. Il est des situations où un acte limité, ciblé, de violence dirigé contre un mal monstrueux et immédiat peut être justifié, même de fervents pacifistes comme Gandhi et Martin Luther King en étaient persuadés.

En situation de guerre, le rapport moyens/fins est d’un tout autre ordre. La guerre est, par nature, illimitée ; elle ignore les distinctions ; une guerre moderne met en œuvre une technologie si meurtrière qu’elle conduit nécessairement à la mort d’un grand nombre de personnes et à la souffrance d’un nombre encore plus élevé. Les « petites » guerres – Iran contre Irak, au Nigeria ou en Afghanistan, par exemple –, entraînent des pertes humaines de l’ordre du million. Une guerre « minuscule » comme celle que nous avons menée contre le Panama a tué plus d’un millier de personnes.

Scott Simon a publié un commentaire dans le Wall Street Journal du 11 octobre 2001 intitulé « Même les pacifistes doivent soutenir cette guerre ». Il a essayé d’utiliser le soutien pacifiste à l’autodéfense, qui admet une résistance ciblée à l’encontre d’un agresseur, pour justifier cette guerre, qui est, selon lui, un acte d’« autodéfense ». Mais il ne peut être question d’« autodéfense » lorsqu’on bombarde un pays entier, tuant ainsi de nombreuses personnes innocentes. Il ne peut pas plus être question d’autodéfense quand les fins visées sont injustifiées.

Le pacifisme – que je définis comme un refus de la guerre – se fonde sur une logique très forte. Dans une guerre, les moyens – tuer sans discernement – sont immédiats et certains, les fins, même si elles sont souhaitables, sont éloignées et incertaines.

Pacifisme ne veut pas dire « apaisement ». Ce mot est souvent jeté à la face de ceux qui condamnent la guerre actuelle en Afghanistan, et il est accompagné de références à Churchill, Chamberlain, Munich. Les analogies avec la Seconde Guerre mondiale sont aisément faites lorsqu’il s’agit de justifier une guerre, même si elles sont inadéquates à une situation donnée. Le mot « apaisement » a été brandi lorsqu’il était suggéré de se retirer du Viêt-nam ou de ne pas faire la guerre à l’Irak. Le prétexte – et l’éclat – de la « bonne guerre » a été utilisé à répétition pour occulter la nature de toutes les mauvaises guerres que nous avons menées depuis 1945.

Examinons cette analogie de plus près. La Tchécoslovaquie a été cédée au vorace Hitler pour l’« apaiser ». L’Allemagne était une nation expansionniste, et l’aider dans ses projets n’était pas sage. Mais aujourd’hui, nous n’avons pas à affronter une puissance expansionniste qui exige d’être apaisée. Nous sommes nous-mêmes la puissance expansionniste – envoi de troupes en Arabie Saoudite, bombardement de l’Irak, bases militaires dans le monde entier, flotte présente sur toutes les mers – et c’est cela, combiné à l’expansion israélienne en Cisjordanie et à Gaza, qui suscite la colère.

Abandonner la Tchécoslovaquie à Hitler était une faute. Ce n’est pas une faute de retirer nos troupes du Moyen-Orient – ou, pour Israël, de libérer les territoires occupés – parce que nous n’avons aucun droit à y être. Ce n’est pas de l’apaisement. C’est de la justice.

S’opposer aux bombardements sur l’Afghanistan ce n’est ni « capituler face aux terroristes » ni prôner l’« apaisement », c’est exiger que d’autres moyens que la guerre soient mis en œuvre pour résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Martin Luther King et Gandhi croyaient tous deux en l’action – l’action directe non violente, qui est plus puissante et certainement plus défendable moralement que la guerre.

Refuser la guerre, ce n’est pas « tendre l’autre joue », comme le voudrait la caricature faite du pacifisme. Dans les circonstances actuelles, c’est agir selon des modalités qui n’imitent en rien celles des terroristes.

Les États-Unis auraient pu traiter les attentats du 11 septembre comme un horrible acte criminel, qui exige l’arrestation des coupables et le recours à toutes les ressources possibles en matière de renseignement et d’enquête. Ils auraient pu s’adresser aux Nations unies pour demander de l’aide pour poursuivre et arrêter les terroristes.

Il y avait aussi la voie des négociations. Et que l’on ne nous dise pas : « Quoi ? Négocier avec ces monstres ? » Les États-Unis ont déjà négocié – ou plutôt porté et maintenu au pouvoir quelques-uns parmi les gouvernements les plus monstrueux du monde. Quand Bush n’avait pas encore donné l’ordre de commencer les bombardements, les talibans ont proposé de livrer Ben Laden à un tribunal. Cela a été ignoré. Après dix jours d’opérations, quand ces mêmes talibans ont appelé à un arrêt des bombardements et déclaré qu’ils étaient prêts à discuter de la livraison de Ben Laden à un pays tiers pour le juger, le New York Times titrait à la une « Le président rejette l’offre de négociation des talibans » tandis que Bush lui-même déclarait : « Quand j’ai dit pas de négociations, je voulais dire pas de négociation. »

Voilà le comportement de quelqu’un qui aime la guerre. De semblables refus de négocier ont marqué le début de la guerre en Corée, au Viêt-nam, en Irak, et des bombardements sur la Yougoslavie. Il en a résulté une perte en vies et une souffrance humaine incommensurables.

Ue travail de police internationale et des négociations étaient et restent des alternatives à la guerre. Ne nous berçons pas d’illusions : même si nous arrivons à arrêter Ben Laden, ou, ce qui paraît peu probable, à démanteler le réseau entier d’Al-Qaida, cela ne mettra pas fin à la menace du terrorisme, lequel peut compter sur des recrues potentielles bien au-delà d’Al-Qaida.

Remonter aux racines du terrorisme est une tâche compliquée. Lâcher des bombes est une tâche simple. C’est une vieille réponse à ce que chacun considère comme une situation nouvelle. Au centre de tous les actes terroristes innommables et injustifiables se trouvent des doléances légitimes ressenties par des millions de personnes qui ne s’engageraient pas eux-mêmes dans des activités terroristes mais dont sont issus ceux qui en franchissent le pas.

Ces doléances sont de deux ordres : l’existence d’une profonde misère – la faim, la maladie – dans une grande partie du monde, qui contraste avec la richesse et le luxe de l’Occident, tout particulièrement des États-Unis, et la puissance militaire américaine omniprésente, qui soutient des régimes d’oppression et interviennent sans cesse pour maintenir leur hégémonie. Nous devons engager des actions qui non seulement traitent du problème du terrorisme sur le long terme, mais soient justes en elles-mêmes : — au lieu d’envoyer deux avions par jour pour lâcher sur l’Afghanistan de la nourriture et cent avions pour lâcher des bombes (qui rendent difficile la livraison de vivres par les camions des organisations humanitaires), utiliser cent deux avions pour apporter de la nourriture ; — prendre l’argent alloué à notre énorme machine militaire et le dépenser pour combattre la pénurie et les maladies dans le monde. Un tiers de notre budget militaire suffirait à fournir en eau potable et en installations sanitaires le milliard de personnes qui en sont actuellement dépourvues ; — retirer les troupes américaines d’Arabie Saoudite, parce que leur présence à proximité de lieux saints de Médine et de La Mecque suscite la colère non seulement de Ben Laden (nous n’avons besoin de nous soucier de cela) mais d’un très grand nombre d’Arabes qui ne sont pas terroristes ; — mettre fin aux sanctions inhumaines à l’encontre de l’Irak, qui tuent plus d’un millier d’enfants par semaine, sans affaiblir le pouvoir tyrannique de Saddam Hussein sur son pays ; — insister sur le retrait d’Israël des territoires occupés – de nombreux Israéliens y aspirent – qui lui garantira davantage de sécurité qu’il n’en dispose actuellement.

Bref, cessons d’être une superpuissance militaire et devenons une superpuissance humanitaire. Soyons plus modestes ; nous serons davantage en sécurité. Les nations modestes de ce monde ne sont pas confrontées à la menace terroriste.

Un changement aussi fondamental dans la politique étrangère est à l’heure actuelle difficilement envisageable. Il remettrait en cause trop d’intérêts : le pouvoir des dirigeants politiques, les ambitions des militaires, les grandes entreprises qui profitent des dépenses militaires énormes.

Le changement n’arrivera, comme à d’autres moments de notre histoire, que lorsque les citoyens américains, mieux informés, ayant réfléchi et dépassé leurs réactions premières de soutien à la politique du gouvernement, l’exigeront. Ce changement dans l’opinion publique pourrait conduire au retrait des options militaires, surtout s’il coïncide avec une décision pragmatique du gouvernement considérant que la violence ne fonctionne pas.

Cela pourrait également être le premier pas pour repenser le rôle de notre pays dans le monde. Un tel réexamen contient, pour les Américains, la promesse d’une véritable sécurité, et pour les autres, le début d’un espoir.

Howard Zinn

The Progressive, décembre 2001 et traduit de l'anglais par Eustache Kouvélakis. Extrait du livre collectif L’autre Amérique, les Américains contre l’état de guerre, « Discorde », Textuel, 2002. —— Howard Zinn a publié plusieurs livres aux éditions Agone : Une histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours (2002) ; Karl Marx, le retour. Pièce historique en un acte (2002) ; Le XXe Siècle américain. Une histoire populaire de 1890 à nos jours (2003) ; L'Impossible Neutralité. Autobiographie d'un historien et militant (2006) ; En suivant Emma. Pièce historique sur Emma Goldman, anarchiste et féministe américaine (2006) ; Désobéissance civile et démocratie. Essais sur la justice et la guerre (2004, 2010).