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Une force féminine consciente et responsable qui agisse en tant qu’avant-garde de progrès (I)

Émanation de l'anarchisme ouvrier, le mouvement des Mujeres Libres s'est engagé, de 1936 à 1939 en Espagne, dans une « double lutte » pour l’émancipation sociale et féminine : pour la « liberté extérieure » et la « liberté intérieure » de la femme. Dans le premier volet de cet article, Miguel Chueca revient sur les origines de cette organisation et celles de la revue éponyme.

« Il y a deux choses qui, parce qu’elles sont iniques, commencent à s’effondrer dans le monde : le privilège de la classe qui fonda la civilisation du parasitisme, d’où est né le monstre de la guerre ; et le privilège du sexe mâle qui transforma la moitié du genre humain en êtres autonomes et l’autre moitié en êtres esclaves, et créa un type de civilisation unisexuelle : la civilisation masculine », écrivait Suceso Portales en 1938, dans le numéro 10 de Mujeres Libres.

Entre le 20 et le 22 août 1937, naissait à Valence la Federación Nacional de Mujeres Libres. Dans l’article premier des statuts publiés peu après, elle se donne pour objectifs de « créer une force féminine consciente et responsable qui agisse en tant qu’avant-garde de progrès » ; et d’établir à cet effet des écoles, des lycées, des cycles de conférences, des cours spéciaux, etc., visant à former la femme et à l’émanciper du triple esclavage auquel elle a été – et reste – soumise : esclavage de l’ignorance, esclavage en tant que femme et esclavage en tant que productrice.

Dans le second article, la Federación de Mujeres Libres affirme son identification « aux finalités générales de la CNT et de la FAI » – la Confédération nationale du travail et la Fédération anarchiste ibérique. Cette double revendication montre l’originalité d’un mouvement longtemps ignoré par les historiens et les mémorialistes de la guerre civile – y compris des libertaires[1]. Il a dû d’être (re)découvert avec le surgissement des mouvements féministes radicaux de l’après-Mai 68, bien que la citation précédente dise assez qu’avant d’être une organisation « féministe » – un mot d’ailleurs refusé par ses porte-parole – Mujeres Libres fut une émanation de l’anarchisme ouvrier espagnol.

Femmes, mouvement ouvrier, féminisme

La prise de conscience de l’aliénation du travail salarié émerge sans doute avec les mouvements ouvriers, mais avant même de songer à lutter contre l’« esclavage en tant que productrice », il fallut que les femmes espagnoles s’imposent comme productrices contre tous ceux qui voulaient les cantonner aux rôles d’épouse et de mère. On sait que, dans les sociétés industrielles, la lutte pour l’émancipation féminine a été inséparable du désir des femmes de mettre un terme à l’état de dépendance économique consécutif à leur exclusion du monde du travail. La possibilité d’y entrer – ou d’y revenir – leur fut d’ailleurs refusée par le premier mouvement ouvrier, y compris par ses représentants les plus « avancés », à l’instar des membres de la section française de l’Association internationale des travailleurs (AIT) qui – à l’exception notable d’Eugène Varlin[2] – suivaient sur ce point la position de Proudhon, pour lequel la femme devait rester la « fée du logis ». Pour preuve, cette résolution adoptée à une grande majorité par le bureau parisien (de tendance proudhonienne) de l’AIT, on ne peut plus expressive : « La place de la femme est au foyer domestique, et non au forum ; la nature l’a faite nourrice et ménagère, ne la détournons pas de ces fonctions sociales pour la jeter hors de sa voie ; à l’homme, le labeur et l’étude des problèmes humains ; à la femme, les soins de l’enfance et l’embellissement de l’intérieur du travailleur.[3] »

Quant à leurs homologues espagnols, plus proches là-dessus de Bakounine que de Proudhon, ils affirmaient en revanche, dès 1872, que « la femme est un être libre et intelligent, et, comme tel, responsable de ses actes au même titre que l’homme ; en conséquence, il est nécessaire de lui assurer des conditions de liberté susceptibles de permettre l’épanouissement de ses facultés. Cependant, reléguer la femme à l’exécution des seules tâches domestiques, c’est la mettre sous la dépendance d’un homme et, par conséquent, la priver de sa liberté. Quel est le moyen de rendre la femme libre ? Il n’y en a pas d’autre que le travail[4] ».

Ces positions de principe n’empêchent cependant pas les travailleurs espagnols de s’opposer – y compris au moyen de la grève[5] – à l’entrée des femmes dans le monde du salariat ou, quand cela n’est plus possible, de tenter de les maintenir strictement dans le cadre de la division sexuelle instituée du travail. On essaya notamment de confiner les femmes au seul travail à domicile, qui devait leur permettre, en théorie, de concilier leurs « devoirs » de maîtresse de maison avec leur contribution économique, indispensable la plupart du temps, à la vie du foyer.

Toutefois, malgré la condition subalterne dans laquelle elles sont tenues, les femmes espagnoles jouent un rôle non négligeable dans les conflits sociaux de la fin du XIXe siècle. Elles sont présentes au sein des premières associations de classe et, en avril 1891, des ouvrières catalanes représentant de nombreux corps de métier fondent même une association autonome, la Agrupación de Trabajadoras de Barcelona : ce « groupement de travailleuses » se propose de « contrecarrer la cupidité des chefs qui [les] condamnent à une honteuse pauvreté et à une souffrance continue[6] ». Sous l’influence de l’une d’entre elles, l’anarchiste Teresa Claramunt, elles adoptent une résolution qui affirme la nécessité d’exclure les hommes de la direction et de l’administration de l’organisation autonome des femmes afin d’éviter « les impositions masculines fondées sur une supposée infériorité féminine »[7]. Quelques années auparavant, en 1886, cette même militante dénonçait déjà « les partis réactionnaires, et même beaucoup de ceux qui se disent démocrates, républicains et révolutionnaires, [parce qu’]ils fomentent avec acharnement l’infériorité de la femme et s’opposent systématiquement à ce que celle-ci occupe dans la société le rang qui lui revient[8] ».

Mais si elles intègrent peu à peu le syndicalisme, les ouvrières restent en revanche largement étrangères aux mouvements féministes qui commencent à apparaître peu à peu en Espagne : à cet égard, Teresa Claramunt, qui impulse – aux côtés d’Angeles López Ayala, l’une des pionnières du féminisme espagnol – la création de la Sociedad Autónoma de Mujeres de Barcelone en 1899, fait vraiment figure d’exception.

Les premiers mouvements féministes apparaissent en Catalogne et au Pays basque, à l’ombre des courants nationalistes, mais, dans ces milieux, la revendication « féministe » va de pair avec la défense des « valeurs traditionnelles » sur lesquelles se fondent ces courants fondamentalement conservateurs. En concurrence avec ce féminisme plus qu’édulcoré, surgissent des mouvements de femmes liés à des cercles républicains, libres penseurs et anticléricaux, qui, par peur de l’influence de l’Église sur les femmes du pays, tarderont longtemps à demander pour elles les droits politiques.

Si le terme de « féminisme » s’est généralisé en Espagne vers la fin du XIXe siècle – aidé en cela par l’influence du livre Feminismo (1899), du juriste Adolfo Posada –, ce n’est qu’en 1918 qu’est fondée la première organisation féministe indépendante, la Asociación Nacional de Mujeres Españolas. Rejointe par d’autres organisations, elle adopte la revendication suffragiste quelques années plus tard et tente même, quoique sans succès, de créer un parti politique féministe. Ce sont ces courants « bourgeois » que Federica Montseny, une des figures essentielles de l’anarchisme espagnol, prend pour cible en 1923-1924 avec des articles parus dans La Revista Blanca, où elle affirme que le féminisme – un mot, dit-elle, qui ne vaut que pour les femmes riches – ne remet pas en question les valeurs ni la structure de la société et ne présente aucune revendication de type social[9].

Bien que le mouvement Mujeres Libres ne se constitue en fédération qu’en août 1937, l’organisation existait de fait depuis un an déjà, après les contacts établis entre un groupe de femmes ouvrières de Barcelone – la « Rose de feu », le centre névralgique de l’anarchisme espagnol depuis le XIXe – et un petit groupe d’intellectuelles vivant à Madrid, une ville plus traditionnellement proche du socialisme parlementaire mais où l’anarcho-syndicalisme avait connu un grand élan à partir de 1931.

À Barcelone, l’initiative – qui s’inscrit dans la continuité des efforts menés autrefois par Teresa Claramunt – est le fait d’un petit groupe de militantes de la CNT catalane qui, début 1935, créent la Agrupación Cultural Femenina (ACF[10]), principalement pour retenir dans l’organisation ouvrière des femmes qui ne parvenaient pas à se faire entendre dans les groupes mixtes : « Il y avait beaucoup de femmes dans les syndicats de certaines branches, notamment dans le textile et la confection, se souvient Soledad Estorach[11]. Mais, même dans ces syndicats, rares étaient les femmes qui prenaient la parole. Nous avons commencé à nous faire du souci pour toutes ces femmes que nous étions en train de perdre.[12] » Mais, soit qu’elles aient été trop inexpérimentées – elles n’ont pu convaincre les militantes les plus en vue de l’anarchisme catalan comme Libertad Ródenas ou Federica Montseny de les rejoindre –, soit qu’elles aient été trop occupées par leurs tâches militantes, elles ne purent élaborer un véritable programme de captación et de capacitación – d’adhésions et de formation. Elles durent se limiter à quelques activités éparses, dont l’organisation de conférences et de réunions publiques : les meetings qu’elles organisèrent au théâtre Olimpia de Barcelone puis, en juin 1936, au Gran Price attirèrent du reste un public nombreux. Ce n’est qu’au lendemain de l’échec du coup d’État – il a lieu à Barcelone le 19 juillet – que les membres de l’ACF pourront disposer d’un local, qui leur permettra d’attirer bientôt de nombreuses militantes, en particulier celles de la Federación Ibérica de Juventudes Libertarias (FIJL), l’organisation des jeunesses libertaires.

En vérité, c’est du groupe madrilène que vient l’impulsion décisive qui aboutit, une fois engagée la guerre civile, à la fondation de la Federación Nacional de Mujeres Libres. À l’origine, il n’est question que de fonder une revue de « culture et de documentation sociale », selon le sous-titre choisi par le comité de rédaction. Celui-ci est composé de trois femmes, toutes liées à la CNT. Aucune d’entre elles, cependant, n’est de condition ouvrière. Mercedes Comaposada et Amparo Poch y Gascón ont suivi des études universitaires : la première, bien qu’issue d’un milieu modeste, est licenciée en droit et la seconde en médecine[13]. La troisième, Lucía Sánchez Saornil, également d’origine modeste, a fréquenté l’Académie des beaux-arts de San Fernando et a appartenu au cercle des poètes ultraístas[14]. Elle a exercé d’abord le métier de standardiste puis, ayant été licenciée de son poste à cause de ses activités syndicales au sein de la Telefónica, elle vit tant bien que mal de sa plume en collaborant aux nombreux organes du mouvement anarchiste, à CNT en particulier, dont elle sera secrétaire de rédaction à partir de 1933. Quant aux deux autres animatrices de la revue, si elles ne sont pas des « professionnelles » de l’écriture journalistique, elles collaborent à de nombreuses publications libertaires : Mercedes Comaposada écrit notamment pour Tierra y Libertad (organe de la FAI) et la revue anarchiste Tiempos Nuevos, où Amparo Poch tient une rubrique régulière sur des thèmes liés à la médecine et à la sexualité. Enfin, le petit groupe peut compter sur l’aide de Concha Sánchez, la sœur de Lucía, et de Consuelo Berges, qui se fera connaître bien plus tard par ses belles traductions en langue castillane des œuvres de Stendhal et de Proust.

Quand la revue Mujeres Libres est lancée, en mai 1936, ses trois animatrices sont déjà des figures féminines connues de l’anarcho-syndicalisme espagnol. Leurs multiples interventions dans la presse du mouvement leur ont valu l’estime de nombre de ses lecteurs et lectrices, comme l’attestent les lettres parvenues à la rédaction de la revue peu après la sortie de son premier numéro.

Un échange significatif

Certaines lectrices disent par exemple avoir été frappées par l’échange qui avait eu lieu dans les colonnes du journal de la CNT Solidaridad Obrera (Solidarité ouvrière), entre Lucía Sánchez et Mariano Vázquez, un des militants les plus en vue de la CNT catalane de l’époque, et futur secrétaire national de l’organisation ouvrière. Les positions manifestées par Lucía Sánchez donnent déjà le ton de ce que sera l’inspiration de Mujeres Libres.

Le prétexte de ce long article est un texte de Vázquez, paru en septembre 1935 sous le titre « Mujer : factor revolucionario », qui abordait la question du rôle des femmes dans le mouvement anarcho-syndicaliste espagnol. Le dirigeant cénétiste s’étant plaint de ce qu’on ne fasse pas « assez de propagande des idées [de la CNT] en direction des femmes », Lucía Sánchez reprend au vol l’affirmation et, la poussant plus avant, réplique que « le concours des femmes intéresse peu les camarades anarcho-syndicalistes ». Elle saisit l’occasion pour faire le procès des préjugés qui dominent l’esprit des « simples militants confédéraux » mais aussi des anarchistes avoués : « ceux-ci, écrit-elle, à l’exception d’une douzaine d’entre eux [...], ont une mentalité contaminée par les aberrations bourgeoises les plus caractéristiques. [...] Alors qu’ils clament contre la propriété, ils sont les propriétaires les plus furibonds. Alors qu’ils se dressent contre l’esclavage, ils sont les “maîtres” les plus cruels. Et tout cela s’ensuit du concept le plus faux que l’humanité ait pu créer : la prétendue “infériorité féminine” ». D’où elle conclut que ce n’est pas tant aux femmes que doit s’adresser en priorité la propagande confédérale qu’aux hommes eux-mêmes, à commencer par les plus humbles, ceux qui, « une fois passé le seuil de leur demeure, se transforment en seigneurs et maîtres ».

Enfin, après avoir fait remarquer assez vertement à Vázquez combien il se trompe en établissant un parallèle entre la domination de la bourgeoisie sur le prolétariat et celle de l’homme sur la femme – les intérêts de la bourgeoisie, dit-elle en substance, sont par essence contraires à ceux du prolétariat alors que ceux de l’homme et de la femme sont strictement complémentaires –, Lucía Sánchez décline sa proposition de prendre en charge une page féminine dans Solidaridad Obrera et lui avoue son ambition « de créer un organe indépendant, qui serve exclusivement les fins qu’[elle s’est] proposées ». C’est la première manifestation publique du projet de créer Mujeres Libres, un dessein qu’elle exprime à la première personne, donnant ainsi la mesure de son implication.

(À suivre...)

Miguel Chueca

Première partie d'un article paru dans le numéro 43 de la revue Agone (2010), p. 47-55.

Du même auteur, vient de paraître son édition des textes choisis (1923-1937) de Camillo Berneri : Contre le fascisme.

Notes
  • 1.

    Deux exemples frappants, tirés d’ouvrages essentiels de l’historiographie libertaire espagnole : le mouvement Mujeres Libres est évoqué trois fois dans les quelque mille pages de l’ouvrage de José Peirats, La CNT en la revolución española (Ruedo Ibérico, 1971) ; et trois fois dans les mémoires du dirigeant Juan García Oliver, El eco de los pasos (L’Écho des pas, Ruedo Ibérico, 1978). Après la publication du livre Mujeres Libres. España 1936-1939 (Tusquets, Barcelone, 1975), une présentation et un recueil de textes du mouvement par l’historienne irlandaise Mary Nash, les Mujeres Libres ont suscité l’intérêt de quelques historien(ne)s. Leur effort n’a cependant pas été vain si on en juge par l’importance qu’on commence à accorder à cette organisation dans l’historiographie la plus récente de la guerre civile. Dans un tout autre domaine, signalons le film de Vicente Aranda, Libertarias (1997, avec Ana Belén, Victoria Abril et Ariadna Gil, entre autres), qui relate l’histoire de la rencontre d’une religieuse fuyant son couvent et d’un groupe de miliciennes affiliées à Mujeres Libres.

  • 2.

    Né en 1839, ouvrier relieur membre de l’AIT, élu de la Commune de Paris, Eugène Varlin fut exécuté le 28 mai 1871.

  • 3.

    Citéin Maxime Leroy, La Coutume ouvrière (1913), Éditions CNT-RP, 2007, chap. II : « Composition et formation du syndicat », p. 75-76.

  • 4.

    Motion adoptée à l’occasion du IIe congrès de la Fédération régionale espagnole (la section espagnole de l’AIT), tenu à Saragosse en 1872, citéin Mary Nash, Rojas, Taurus, Madrid, 1999, p. 59.

  • 5.

    Mary Nash rapporte le cas d’une grève de quatre mois menée en 1915 dans quelques usines catalanes de pâtes alimentaires, visant à exclure les femmes des lieux de production, sous prétexte qu’elles y occupaient des « postes de travail masculins », et à imposer une réglementation du travail les empêchant de réaliser des travaux manuels dans ces usines. De fait, la majorité des syndicats espagnols de l’époque considéraient, tous « principes » mis à part, que la main-d’œuvre féminine constituait une menace déloyale contre les conditions de travail et le niveau des salaires existants (Mary Nash,Rojas, op. cit., p. 64).

  • 6.

    Citéibid., p. 67.

  • 7.

    Dite la « Louise Michel espagnole », Teresa Claramunt (1862-1931) était une propagandiste anarchiste et une ouvrière du textile. En 1905, elle publia une brochure intituléeLa mujer. Consideraciones sobre su estado ante las prerrogativas del hombre (La femme. Considérations sur son état devant les prérogatives de l’homme), un des premiers essais sur la condition sociale de la femme espagnole écrit par une ouvrière ; citation ibid., p. 67.

  • 8.

    Teresa Claramunt, « La igualdad de la mujer [L’égalité de la femme] »,Bandera Social (2 octobre 1886), cité in María Amalia Pradas Baena, Teresa Claramunt, la virgen roja barcelonesa, Virus, Barcelone, 2006, p. 175.

  • 9.

    Publiciste et propagandiste anarchiste, Federica Montseny (1905-1994) reste l’une des figures les plus connues – et les plus discutées – du mouvement libertaire espagnol, des années 1930 à sa mort en exil, à Toulouse. Avec Juan García Oliver, Juan López et Joan Peiró, elle fut au nombre de ces militants de la CNT-FAI auxquels l’organisation anarcho-syndicaliste demanda de participer, à partir de novembre 1936, au gouvernement du socialiste de gauche Francisco Largo Caballero. Nommée au ministère de la Santé et de l’Assistance sociale, elle fut la première femme à occuper un poste ministériel dans un pays d’Europe occidentale. Si elle plaça une des fondatrices de Mujeres Libres, Amparo Poch, à un poste important de son ministère, elle resta cependant assez éloignée des positions de l’organisation. Mary Nash s’est efforcée de mettre en évidence les différences entre ces deux types d’engagement dans l’émancipation des femmes en notant que, là où Federica Montseny l’abordait sous une forme purement individualiste, en proposant une sorte de « modèle de super-femme, produit de la conscience individuelle et de l’autodépassement », les Mujeres Libres envisageaient pour leur part « une stratégie duale, fondée sur l’initiative individuelle mais aussi sur une réponse collective qui offrît aux femmes l’appui et la formation indispensables leur permettant de devenir libres » (Mary Nash,Rojas, op. cit., p. 137).

  • 10.

    Ce « Groupement culturel féminin » n’est pas le seul groupe de femmes anarchistes existant à Barcelone avant juillet 1936 ; il faut citer aussi Brisas Libertarias et le Comité Femenino Pro-Amnistía.

  • 11.

    Soledad Estorach (1915-1993) était une militante catalane de Mujeres Libres.

  • 12.

    Propos cités par Martha Ackelsberg,Mujeres Libres. El anarquismo y la lucha por la emancipación de las mujeres, Virus, Barcelone, 1999, p. 157-158 – trad. La vie sera mille fois plus belle, ACL, 2010.

  • 13.

    Amparo Poch se distinguait de ses camarades par son appartenance au secteurtreintista (l’aile modérée) de la CNT et au Partido Sindicalista créé par Ángel Pestaña, le principal inspirateur de cette faction.

  • 14.

    Mouvement littéraire d’avant-garde, l’ultraísmo est né en 1918 à Madrid, en réaction au modernisme qui avait dominé la poésie de langue espagnole depuis la fin du XIXe siècle.