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Élections au parlement européen: combien passeront au privé?

À quelques semaines des élections au parlement européen, les affiches électorales ont commencé à fleurir dans les villes d'Europe. Si on connait désormais la liste de ceux qui concourent à une (ré-)élection, on sait également quels députés ne briguent pas de nouveau mandat. Beaucoup vont retourner à la politique nationale, prendre leur retraite ou chercher un nouveau job. Mais il sera particulièrement intéressant d'observer au cours des mois et des semaines qui viennent, lesquels parmi les actuels députés vont passer de l'autre côté de la barrière et trouver un emploi de lobbyiste au service de l'industrie.

Après les dernières élections, en 2004, Elly Plooij van Gorsel, le vice-président sortant du parlement européen est devenu consultant senior pour la firme de lobbying Blueprint Partners, très peu de temps après avoir quitté ses fonctions. Les deux anciens députés britanniques David Bowe (travailliste) et Nick Clegg (libéral-démocrate) ont rejoint les rangs de la société de lobbying GPlus Europe (M. Clegg est depuis retourné à la politique et est devenu le Pt du parti social-libéral.) Pat Cox, l'ancien président du parlement européen a intégré le géant des relations publiques APCO ainsi que la firme de conseil basée à Bruxelles European Integration Solutions. Pat Cox est aussi conseiller de Microsoft, Pfizer et Michelin. Quant à l'ex-député allemand Rolf Linkohr, il a créé le Centre for European Energy Strategy (CERES), un think tank spécialisé dans le conseil en lobbying pour les grandes firmes énergétiques, y compris l'industrie nucléaire.

Arbre de la liberté des Affaires

Arbre offert par la Société europénne du lobbying & Public Affairs au parlement européen, inauguré par sa présidente

Ces exemples ne constituent sans doute que la la partie émergée de l'iceberg. Les lobbyistes n'étant pas recensés individuellement dans le registre de représentants d'intérêts de l'Union européenne, ne parlons donc même pas d'une obligation d'y mentionner l'exercice passé de fonctions publiques (ce qui est obligatoire aux États-unis où il existe des règles d'enregistrement des lobbyistes ayant force de loi.) [1]

En ce qui concerne les membres du parlement élus en 2004, le passage au privé a en fait déjà commencé l'année dernière quand la finlandaise Piia-Noora Kauppi a accédé à la direction du lobby de l'industrie bancaire de son pays. Kauppi a bénéficié du fait qu'il n'y a aucun délai de décence légal (ni d'ailleurs la moindre règle) pour qu'une députée passe au privé [2].

Au début de cette année, le secrétaire général du parlement, Julian Priestley, a rejoint l'EPPA (European Public Policy Advisers) un cabinet de consultants pour les affaires publiques basé à Bruxelles. Après plus d'une décennie passées dans le service le plus puissant du parlement, il dirige désormais cette société qui fait du lobbying entre autres au service des géants de l'industrie chimique comme Bayer CropScience, Cheminova et Syngenta. Les bureaux d'EPPA sont situés Place du Luxembourg, à moins de 100 m de l'entrée du Parlement.

Ingo Friedrich (député européen chrétien démocrate allemand depuis 1979) ne se représente pas, mais restera à Bruxelles en tant que lobbyiste. Friedrich travaillera pour le Sénat économique de l'Europe (EES), un groupe hybride rassemblant des politiciens et des hommes d'affaire allemands. Il travaillera également pour le le lobby des contribuables en Europe (TAE), une coalition qui semble bien être inspirée par la croisade des Républicains américains contre le «big government». TAE a des liens avec la néo-conservatrice Heritage Foundation et l'European Resource Bank, qui favorise le développement en Europe de think tanks du type «marché libre» à la mode américaine.

Le parlement européen n'a actuellement aucune règle pour prévenir les conflits d'intérêts liés au passage du public au privé, à la différence des États-unis où les membres de la Chambre des Représentants ne peuvent exercer la fonction de lobbyistes pendant les deux années qui suivent la fin de leur mandat. Quant au personnel de la Chambre et du Sénat, ils doivent attendre un an avant de pouvoir exercer une influence auprès de leur ancien employeur...

Observatoire de l'Europe industrielle, 28 avril 2009,

traduit de l'anglais par Benoît Eugène La version originale dont est tirée ce texte est disponible sur le site du CEO

EuropeInc

L'Observatoire de l'Europe industrielle (CEO) a publié aux éditions Agone, ''Europe Inc. - Comment les multinationales construisent l’Europe & l’économie mondiale'', Il fait partie d'ALTER-EU qui regroupe plus de 160 associations de la société civile dénonçant le poids du monde des affaires dans le processus décisionnel de l'UE.

Notes